Covid-19 : Quelles conséquences pour les salariés ?

covid 19 salariésPar Célina Guichenduc

Le gouvernement français a adopté une loi d’urgence sanitaire le 23 mars 20201 pour faire face à l’épidémie du Covid-19 qui sévit actuellement sur notre territoire. 

L’objectif est d’adapter provisoirement les règles juridiques actuellement en vigueur pour éviter la propagation du virus et soutenir l’économie française durant cette période de crise. 

Plusieurs ordonnances qui ont été publiées dans le domaine du droit du travail modifient les droits et devoirs des salariés à plusieurs égards. 

  • La protection des salariés 

Les salariés sont, pour la plupart, exposés à des risques de contamination sur leur lieu de travail. Le gouvernement a donc pris un certain nombre de mesures afin de protéger la santé des salariés dans le cadre de leur activité professionnelle. 

Suite au passage au stade 32 de l’épidémie de Covid-19, le 14 mars 2020, le télétravail est devenu la norme pour tous les postes qui le permettent, afin d’éviter la propagation du virus et l’exposition des salariés à la contamination. 

L’employeur est donc tenu de placer ses salariés en télétravail lorsque cet aménagement du poste de travail est compatible avec l’activité de l’entreprise. 

Que se passe-t-il lorsque le télétravail n’est pas possible ? 

Dans ce cas, l’employeur doit adapter les conditions de travail de ses salariés pour assurer leur sécurité. 

Le Code du travail oblige déjà l’employeur à assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale des travailleurs (article L.4121-1). 

En période de crise sanitaire, l’employeur a l’obligation de réévaluer les risques présents au sein de l’entreprise afin de vérifier si les mesures de protection qu’il met en œuvre habituellement sont toujours adaptées. Si tel n’est pas le cas, l’employeur devra prendre les mesures nécessaires pour éviter ou, à défaut, limiter au plus bas le risque de contamination par le virus. 

Ces mesures sont explicitées au sein d’un fichier de recommandations nationales qui a été édicté par le Ministère du travail le 2 avril 20203. On y retrouve par exemple l’obligation pour l’employeur de s’assurer du respect des règles de distanciation et des gestes barrières ; de mettre à disposition des salariés des savons, gels et mouchoirs ; de réduire les regroupements de salariés dans des espaces réduits ; de désinfecter les locaux etc. 

L’employé doit quant à lui se conformer aux instructions données par son employeur et prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que celles des autres personnes qui l’entourent (article L.4122-1 du Code du travail). 

Le salarié peut-il exercer son droit de retrait ? 

Le droit de retrait permet à un salarié de cesser son travail en cas de danger imminent pour sa vie ou sa santé et est prévu par l’article L.4131-1 du Code du travail. 

La difficulté réside dans la définition du « danger grave et imminent » qui relève de l’appréciation du salarié et de sa situation particulière. 

En principe, un danger est « grave » s’il représente une menace pour la vie ou la santé du travailleur (une maladie ou un accident grave voire mortel). Il est « imminent » si le risque peut survenir immédiatement ou dans un délai proche. 

Dans le contexte du coronavirus, le gouvernement a pris des recommandations nationales à l’attention des employeurs pour protéger la santé des salariés face au virus4

Par conséquent, si l’employeur a mis en œuvre les dispositions prévues par le Code du travail et les recommandations nationales, le droit de retrait pourra difficilement être invoqué par le salarié. 

  • La durée du travail 

En principe, la durée légale du travail pour un temps complet est de 35 heures par semaine, sauf dispositions conventionnelles contraires. Les heures effectuées au-delà de cette durée sont considérées comme des heures supplémentaires. 

Le Code du travail fixe toutefois une durée maximale de travail effectif qui ne doit pas dépasser 10 heures par jour, et 44 heures par semaine sur une période de 12 semaines consécutives dont 48 heures maximum sur une même semaine, sauf dérogations particulières. 

L’ordonnance du 25 mars 20205, prise par le gouvernement dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, adapte la durée légale du travail pour permettre à certaines activités essentielles de faire face à l’épidémie du Covid-19. 

Il est désormais possible, dans certaines entreprises relevant de secteurs d’activités nécessaires à la sécurité nationale et à la continuité économique et sociale restant à déterminer par décret, de déroger à la durée maximale prévue par le Code du travail en portant la durée du travail à 12 heures par jour et 60 heures par semaine, sous réserve que la durée hebdomadaire de travail calculée sur une période de 12 semaines consécutives ne dépasse pas 48 heures (44 heures pour le travailleur de nuit). 

Ces secteurs ont également la possibilité de modifier les règles en termes de repos compensateur en faisant travailler les salariés le dimanche et en réduisant les temps de repos minimums entre deux jours de travail. 

L’employeur qui utilise ces dérogations doit en informer sans délai et par tout moyen le comité social et économique ainsi que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi. 

  • Les congés payés 

En principe, l’employeur définit la période de prise des congés et l’ordre des départs et il ne peut, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l’ordre et les dates de départ moins d’un mois avant la date de départ prévue (article L.3141-16 du Code du travail). 

Désormais, l’ordonnance du 25 mars 2020 précitée autorise l’employeur à imposer à ses salariés la prise – continue ou fractionnée – de 6 jours de congés payés, ou à modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés sans être obligé de respecter un délai de prévenance d’un mois. Cette faculté est toutefois subordonnée à la conclusion d’un accord d’entreprise ou de branche – accord qui risque néanmoins d’être difficile à obtenir pendant la période de confinement. 

L’employeur pourra en outre imposer librement des jours de RTT à ses salariés et des jours de repos affectés sur un compte épargne temps ou dans le cadre d’une convention de forfait, dans la limite de dix jours de repos. 

Ces nouvelles dispositions ont vocation à s’appliquer jusqu’au 31 décembre 2020, de même que celles concernant l’allongement de la durée du travail. 

  • L’arrêt du travail 

Dans le contexte de la crise actuelle, plusieurs situations peuvent amener un salarié à suspendre l’exécution de son contrat de travail. 

La garde des enfants 

Lorsque le salarié ne dispose pas de solution pour la garde de son enfant de moins de 16 ans dont l’établissement scolaire est fermé en cette période de confinement, il doit en informer son employeur afin d’envisager les modalités de télétravail qui pourraient être mises en place. 

Si le télétravail n’est pas possible, ou si l’employeur refuse sa mise en place pour juste motif, le salarié pourra se voir imposer la prise de congés payés dans les conditions décrites précédemment. 

Si aucune de ces solutions n’est envisagée, le salarié peut être placé en arrêt de travail indemnisé pour garder ses enfants à domicile. Attention toutefois, un seul parent à la fois peut se voir délivrer un arrêt de travail pour la garde de ses enfants. 

L’employeur doit alors engager les démarches de déclaration de l’arrêt de travail auprès de la sécurité sociale. 

Cet arrêt de travail dont la durée initiale peut aller jusqu’à 21 jours est renouvelable autant de fois que nécessaire, selon la durée du confinement. 

La suspension des activités de l’entreprise 

Certaines entreprises ont été contraintes d’arrêter leurs activités durant la période de crise. 

En effet, le gouvernement a interdit les déplacements et les activités qui génèrent des rassemblements publics (commerce, restaurants, spectacles, cinéma, etc.) pour éviter la propagation du virus. 

Par ailleurs, certaines entreprises pour lesquelles le télétravail n’est pas compatible avec la nature de leurs activités ont été contraintes de suspendre partiellement ou totalement leur fonctionnement. 

Les salariés qui se retrouvent ainsi au chômage technique vont-ils continuer à toucher leur rémunération ? 

Fournir du travail au salarié est une obligation de l’employeur. S’il ne le fait pas, il reste tenu de lui verser 100% de sa rémunération et ne peut en aucun cas réduire celle-ci au motif qu’il n’a pas suffisamment de travail à lui confier. 

L’employeur a toutefois la possibilité de recourir à l’activité partielle lorsqu’il rencontre des difficultés économiques temporaires afin d’obtenir la prise en charge d’une partie des salaires par l’Etat. 

En période de chômage partiel, le salarié perçoit une indemnité versée par l’employeur, à la date habituelle de versement des salaires, correspondant à 70 % du salaire brut par heure chômée soit environ à 84 % du salaire net horaire. Cette indemnité ne peut être inférieure au SMIC. 

Le décret du 25 mars 20206 a simplifié la procédure de demande d’autorisation d’activité partielle sans toutefois généraliser le dispositif qui s’apprécie au cas par cas. En cas de refus, l’employeur sera tenu de verser 100% de sa rémunération au salarié. 

Attention toutefois, si un employeur demande à un salarié de “télétravailler” alors que ce dernier est placé en chômage partiel, il s’agit d’une fraude assimilée à du travail illégal. Le contrat de travail du salarié est en effet suspendu – totalement ou partiellement – pendant la période d’activité partielle.

En revanche les salariés au chômage partiel qui souhaiteraient prêter main forte à des secteurs essentiels en cette période de crise (santé, agro-alimentaire, transport…) sont encouragés à le faire sous réserve que leur contrat de travail ne contienne pas de clause d’exclusivité, et dans le respect des dispositions du Code du travail (information préalable de l’employeur, obligation de non-concurrence, durée du travail notamment). 

Ce dispositif de mise à disposition de main d’œuvre est prévu à l’article L.8241-1 du Code du travail et permet au salarié en chômage partiel de cumuler l’indemnité d’activité partielle et la rémunération liée à l’autre emploi. 

Pôle Emploi a mis en place une plateforme de mobilisation pour l’emploi7 à destination des demandeurs d’emploi, laquelle recense les offres disponibles dans les secteurs prioritaires. 

  • La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat 

Cette prime, mise en place en 2018 par le président Macron, est un dispositif permettant à l’employeur de verser une prime exceptionnelle exonérée d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales à ses salariés, dans la limite de 1.000 euros par bénéficiaire, sous réserve de la mise en œuvre d’un accord d’intéressement dans l’entreprise. 

L’ordonnance du 1er avril 20208 assouplit le dispositif afin de permettre aux employeurs qui le souhaitent de récompenser les salariés ayant travaillé pendant la période de crise sanitaire. 

Ainsi, la nécessité d’un accord d’intéressement dans l’entreprise pour l’exonération de charges sociales et d’impôt sur le revenu de cette prime est supprimée. En outre, le plafond est relevé à 2.000 euros pour les entreprises qui disposent d’un accord d’intéressement ou le mettent en place d’ici le 31 août 2020. 

Le montant de la prime pourra également être modulé selon les bénéficiaires en fonction des conditions de travail liées à l’épidémie. Cela permettra par exemple à l’employeur d’octroyer un montant plus important aux salariés devant se rendre sur leur lieu de travail par rapport à ceux en télétravail. 

  • Les chômeurs en fin de droits 

Afin de ne pas pénaliser les demandeurs d’emplois qui pourront difficilement trouver un travail en cette période de crise sanitaire, le gouvernement a décidé de prolonger leurs droits aux allocations chômage pendant toute la période du confinement9

Les demandeurs d’emplois arrivant en fin de droits doivent néanmoins continuer de s’actualiser sur la plateforme Pôle emploi pour bénéficier de cette prolongation.

  • Quels sont les recours des salariés en cas de conflit avec leur employeur en cette période de crise ? 

La justice française est actuellement à l’arrêt et seules les situations d’extrême urgence (dans le domaine du droit pénal notamment) sont encore examinées par les juridictions. 

La date de reprise de l’activité juridictionnelle est encore incertaine et les tribunaux ne seront pas en mesure de rendre leurs décisions avant une très longue période. 

Les salariés ont donc tout intérêt à privilégier les voies amiables pour la résolution de leurs litiges – aussi appelés modes alternatifs de règlement des différends – afin d’obtenir une réponse rapide et adaptée à leur situation. 

A ce titre, les salariés peuvent notamment recourir à la procédure de médiation en faisant appel à un tiers neutre, indépendant et impartial appelé médiateur dont le rôle est de rétablir le dialogue entre les parties et faciliter l’émergence d’un accord entre elles pour mettre fin à leur litige ; ou bien négocier directement avec leur employeur grâce à l’assistance d’un avocat qui veillera à la préservation des intérêts de son client dans la recherche d’une solution négociée avec l’autre partie. 

Avertissement : cet article est à jour au 7 avril 2020 et concerne des mesures provisoires susceptibles d’avoir été modifiées depuis lors.

L’auteur : Célina Guichenduc

Avocat au Barreau de Paris, Célina Guichenduc est collaboratrice au sein du cabinet Lutran Avocats & Médiation depuis 2019 et exerce principalement en contentieux des affaires, droit du travail et droit de la famille. 

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